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Lettre ouverte à Luc CHATEL – Ministre de l’Education nationale

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Suite à la position du Ministre de l’Education Nationale sur l’accompagnement des enfants par des mères voilées, Le Collectif Contre l’Islamophobie en France a réagi face à des déclarations qui produisent plus de stigmatisation et d’exclusion.

Paris – le 10 mars 2011

Monsieur le ministre,

Nous ne pouvions laisser sans écho vos récentes déclarations tonitruantes et stigmatisantes à propos du droit d’exclure les mères d’élèves voilées de l’accompagnement scolaire. En d’autres termes le droit à discriminer les femmes de confession musulmane voilées.

Ces déclarations font suite et s’appuient sur votre réponse écrite à la FCPE, émue du traitement différencié appliqué par la directrice de l’école Joséphine Baker à Pantin (93) à l’une de ces mères de famille voilée.

Voici les extraits qui ont suscité nos commentaires :

« Il me semble nécessaire de rappeler que les parents qui accompagnent des élèves inscrits dans  une école ou un établissement scolaire public, au cours d’activités ou de sorties scolaires participent ce faisant à l’action éducative et plus généralement au service public de l’éducation. »

Vos affirmations péremptoires et erronées n’ont de fondement que la mauvaise foi. Mauvaise foi dont nous ne pouvons douter compte tenu de la condamnation expresse de ces pratiques discriminatoires par la Haute Autorité de Lutte contre les Discriminations et pour l’Egalité ((Délibération n°2007-117 du 14 mai 2007 consultable sur le site :)), et de la position de votre prédécesseur, Xavier Darcos : «  la loi [du 15 mars 2004] ne s’étend pas aux parents d’élèves ou à d’autres personnes intervenant bénévolement dans le cadre du service public de l’enseignement. Dans le respect du principe de liberté individuelle, ceux-ci ne peuvent être soumis à aucune règlementation particulière concernant leur tenue » ((Réponse de Xavier Darcos publiée au JO le 28.08.08. p 7378 à la question du député Albert Facon du 29.07.08. publiée au JO p 6482.)), que vous ne pouvez ignorer.

Vous voulez faire dire à la loi, aux principes républicains, et à la jurisprudence, ce qu’ils ne disent pas.

Pour ce faire, vous n’hésitez pas à les violenter, à les déformer, et à les détourner de leur sens profond.

Vous n’hésitez guère plus à jeter ces mères en pâture à une instance éducative déjà affaiblie, voire agonisante, qui régulièrement s’empare de la question du voile comme d’un exutoire face au démantèlement, à la déchéance, au naufrage de l’école publique auxquels elle assiste directement impuissante et paralysée pendant que vous revigorez les écoles privées par tous les moyens, dont l’application de la loi Carle que vous avez défendu becs et ongles bien qu’elle porte, elle,  une atteinte réelle aux principes de laïcité et d’égalité en obligeant les communes à financer les écoles privées, dont beaucoup sont à caractère confessionnel.

Ces problèmes sérieux, épineux mériteraient, eux, toute votre attention, et que vous vous en saisissiez à bras-le-corps, en lieu et place de cette parodie de défense de l’école de la République que les musulmans testeraient !

En attendant, l’école de la République est bel et bien saignée à blanc par la majorité à laquelle vous appartenez, dont ni les têtes pensantes, ni les dirigeants ne sont de confession musulmane.

Il est dès lors évident que vos déclarations fracassantes et opportunistes, qui s’inscrivent dans le climat délétère qui règne en France et sur laquelle ne cesse de souffler un vent islamophobe, ne relève que d’une interprétation spécieuse.

« Cette participation, qui doit être acceptée par le directeur de l’école ou le chef d’établissement, les parents ne disposant d’aucun droit à assister aux activités scolaires, repose en amont sur le libre choix des parents ».

En cela, vous avez raison, Monsieur le ministre, il ne s’agit pas d’un droit mais d’une faculté. Mais si le directeur de l’école ou le chef d’établissement ouvre cette faculté aux parents, il l’ouvre à tous les parents d’élèves, et ce quelque soit leur confession.

Devons-nous vous rappeler ce qui est inscrit sur le fronton des écoles de la République : Egalité.

Invitez-vous insidieusement les chefs d’établissement à faire de l’appartenance religieuse des parents un critère de sélection discriminatoire dans la désignation des parents accompagnateurs ?

Assimilez-vous ces mères à des délinquantes pour vouloir les évincer sans motif sérieux et autre forme de procès ?

« L’organisation et le fonctionnement du service public reposent sur un ensemble de valeurs et de principes au premier rang desquels on trouve le trouve le principe de neutralité et sa déclinaison, le principe de laïcité. Les parents d’élèves, qui proposent d’accompagner les sorties scolaires ne peuvent l’ignorer et le cas échéant, le directeur d’école ou le chef d’établissement peuvent le leur rappeler. En faisant acte de candidature, ils sont amenés à participer directement au service public de l’éducation en se plaçant dans une situation comparable à celle des agents publics vis-à-vis des enfants qu’ils encadrent et acceptent donc de se soumettre aux principes fondamentaux de ce service public ».

Petit rappel historique : le devoir de neutralité des représentants de l’Etat est la déclinaison du principe de laïcité, principe d’organisation politique visant à séparer l’Eglise de l’Etat, et non l’inverse, ce qui a, vous l’aurez compris, toute son importance.

Les parents accompagnateurs ne sont nullement placés dans une situation comparable aux agents publics, et en l’espèce, celle des enseignants. Ces parents n’assurent aucune activité d’enseignement. Ils se contentent d’apporter un soutien, un encadrement complémentaire à l’enseignant sous l’autorité duquel demeurent les élèves.

Quant à ne pas transiger avec la laïcité : que dites-vous du décret n° 2000-223 du 8 mars 2000 relatif à l’attribution d’une prime de sujétions spéciales à certains personnels des services déconcentrés de l’administration pénitentiaire qui accorde le bénéfice d’une prime aux surveillants congréganistes,surveillants issus de congrégations religieuses comme celle des sœurs de Marie – Joseph et de la Miséricorde, qui apportent leur concours au fonctionnement des établissements pénitentiaires et sont rémunérées à ce titre ? ((Cet état de fait ne nous gêne nullement. Il s’agit simplement de démontrer comment il est fait application à géométrie variable des principes et valeurs de la République.))

« C’est au titre de cette participation au service public qu’ils peuvent être qualifiés de collaborateurs bénévoles et occasionnels du service public et bénéficier ainsi d’une protection particulière en cas de dommages. Cette protection a naturellement des contreparties au premier rang desquels, le respect des principes fondamentaux du service public ».

Monsieur le ministre, votre propos final prouve que vous avez consulté la jurisprudence applicable aux collaborateurs bénévoles et occasionnels du service public. Il est toutefois regrettable que vous la déformiez pour les besoins de la cause en la rapportant de façon tronquée.

Si les parents accompagnateurs bénéficient en leur qualité de collaborateurs bénévoles et occasionnels du service public d’une protection particulière en cas de dommages, c’est justement en contrepartie de leurs fonctions complémentaires de soutien et du service rendu dans le cadre de l’accompagnement scolaire.

A cet égard, votre prédécesseur avait fait montre d’une plus grande honnêteté : «  la notion de collaborateur bénévole est de nature « fonctionnelle », c’est-à-dire que sa seule vocation consiste à couvrir les dommages subis par une personne qui, sans être un agent public, participe à une mission de service public. Il ne peut donc être soutenu que la qualité de collaborateur bénévole emporterait reconnaissance du statut d’agent public, avec l’ensemble des droits et des devoirs qui y sont attachés » ((Opcit note 2)).

Plus précisément, ni la loi, ni la jurisprudence (celle-là même que vous citez), n’astreignent les parents accompagnateurs au respect du principe de laïcité et au devoir de neutralité, obligations qui incombent aux seuls fonctionnaires.

Dans ces conditions, il ne sera pas inutile de vous rappeler que le Conseil d’Etat a jugé que le fait de recourir aux surveillants congréganistes et de les rétribuer pour le concours apporté au fonctionnement du service public pénitentiaire était licite : « Eu égard à son objet et dès lors que l’intervention des membres de la congrégation est exclusive de tout prosélytisme, il ne saurait davantage être soutenu que serait transgressé le principe de laïcité ou celui de neutralité du service public. » (arrêt du 27 juillet 2001 Syndicat national pénitentiaire Force Ouvrière).

Il est déplorable qu’un ministre d’Etat prenne le parti de fonctionnaires hors-la-loi et anti – républicains, et en vienne à manipuler les principes républicains pour apporter sa pierre à une campagne de surenchère dans la stigmatisation des musulmans dont le summum sera certainement atteint avec les échéances électorales tant cantonales que présidentielles.

Association de Défense des Droits de l’Homme : Collectif Contre l’islamophobie en France

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